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Vocation volcanologue - Les études, le terrain, la recherche...

Prof. Jacques-Marie Bardintzeff

Présentation de l'auteur

Livre paru chez Delachaux et Niestlé, 208 pages, en 2000, dans la collection "Les sentiers du naturaliste".

Extrait, avec l'aimable autorisation de l'auteur.


Chapitre 1. Premières émotions minérales

"Sachons fleurir là où l'on est planté" Frère Roger de Taizé


Le 30 décembre 1953, je suis né tout près de Grenoble Pour la petite histoire, on peut signaler que je suis natif du capricorne un signe zodiacal de terre, avec dans les veines 1/8e de sang russe et 7/8e de dauphinois. Une petite sœur, Michèle, m'a suivi 2 ans et demi après. Mon père travaillait dans un magasin d'optique et ma mère gérait la maison. Notre grande chance était la belle maison entourée d'un grand parc, que mes grands-parents maternels possédaient à la campagne, à Brié-et-Angonnes, sur la Route Napoléon, à 12 kilomètres au Sud de Grenoble, à 500 mètres d'altitude. […] Je ressentis ma première émotion "minérale" à l'âge de quatre ans... Avec mon père et mon parrain nous étions partis gravir la modeste colline de Châtelard, véritable montagne pour moi, avec quelques rochers affleurants. En redescendant, je trouvai un beau cristal de calcite. Ce fus un choc : ce jour là, je compris, que ma vie serait consacrée à comprendre la planète Terre et à en découvrir ses merveilles minérales. Mes premières expériences de géologue remontent au début des belles années 1960. Il faut dire que notre famille avait connu une double révolution, puisque, coup sur coup, mes grands-parents puis mes parents avaient acquis chacun une brave 2CV, qui atteignait 80 km/h " plein pot ". Mon grand-père maternel était un "personnage" : engagé volontaire à 17 ans dans la "grande guerre", celle de 14-18, blessé à quatre reprises, trompe-la-mort, décoré. Pilier du Club alpin français, le célèbre C.A.F., il connaissait les Alpes comme sa poche, pouvait énumérer les sommets de n'importe quel panorama. Passionné de nature, il en avait une grande connaissance, plus particulièrement dans le domaine des fleurs et des champignons. Ma grand-mère avait également sa personnalité, auteur de plusieurs " premières " et " secondes " à ski dans les Alpes. Tout naturellement, mon grand-père organisa le dimanche des promenades pour nous faire découvrir notre chère région. Rapidement, elles prirent l'aspect de véritables " expéditions ". Le déroulement en était parfaitement orchestré. Un point de rendez-vous était fixé, quelque part à la sortie de Grenoble. Mon grand-père, toujours en avance, nous attendait, son béret sur la tête, un piolet à la main, pronostiquant déjà un avis météo. Le cortège s'ébranlait. Papy et Mamy, dans leur 2CV bleue, ouvraient la route. Parfois, mon parrain et ma tante y montaient également pour compléter l'équipée. La 2CV grise suivait, avec mes parents, ma petite sœur et moi. Le calendrier était rythmé par les dates présumées des floraisons des espèces végétales alpines. Celles-ci, bien sûr, varient d'une année sur l'autre, en fonction des précipitations, des températures hivernales et des phases de la Lune. Mon grand-père était passé maître dans l'art de prédire les dates optimales. On commençait avec les premières primevères (qu'on nomme " pipettes " dans le Dauphiné) et les perce-neige, puis, fin mars - début avril, c'était au tour des dents-de-chien. Suivaient le muguet du 1er mai, les étonnantes fritillaires pintades, les tulipes sauvages, les narcisses à la Pentecôte, les orchis, les ophrys mimant des insectes et les fameux " sabots de la vierge ". A l'automne, la forêt se parait de splendides dégradés de couleur et les sorbiers des oiseleurs se couvraient de baies rouges.

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Volcan Erta  Ale Volcan Erta Ale
Le lac de lave du volcan l'Erta Ale le 14/1/2003
Photographie © J-M Bardintzeff


Rapidement, je devins en quelque sorte son "assistant". Au cours de ces promenades, je m'intéressais de plus en plus aux roches, minéraux et fossiles. Nous nous étions en quelque sorte partager le monde naturel : à lui le règne végétal, à moi le règne minéral. Nous menions ainsi deux activités parallèles et complémentaires, croisant parfois, pour notre plus grand plaisir quelques représentants du règne animal : hérisson, renard, biche...

Encouragé par ma famille, je commençai une collection géologique sérieuse. Ma marraine, professeur de Sciences Naturelles, m'avait donné quelques beaux spécimens, tel un rognon de marcassite, sulfure de fer, dont le cœur révélait des fibres rayonnantes d'aspect métallique, brillant de mille feux. Une tante m'avait rapporté du soufre de Vulcano. Et c'est à ma grand-mère que je dois mon premier véritable marteau de géologue. Pour enrichir ma collection débutante, je cherchais avec passion, et parfois trouvais, de nouveaux échantillons au cours de nos promenades. Du col de l'Arc, je ramenais des oursins, de Notre-Dame de la Salette des rostres de bélemnites, du pied du mont Aiguille des ammonites, du Saint-Eynard des géodes de calcite, et d'Oisans des cristaux de quartz.

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Volcan  Cameroun Volcan Mont Cameroun, avril 1999 :
le front imposant de la coulée de lave brûle la végétation
Photographie © J-M Bardintzeff


Les "Sept merveilles du Dauphiné" revenaient souvent dans nos conversations. De même que sept merveilles du monde antique avaient été décrites par Hérodote, sept l'ont été dans notre belle région par différents auteurs, dès le Moyen Age. Mais alors que les premières sont l'œuvre de l'Homme, celles du Dauphiné correspondent chacune à une curiosité naturelle, souvent d'origine géologique. De plus les anciens leur conféraient des pouvoirs surnaturels. Avec mon grand-père, inlassablement, nous essayions d'en dresser la liste : mais comme pour les trois mousquetaires qui en fait étaient quatre, nous en trouvions toujours quelques unes de trop et notre total frisait allègrement la dizaine. Je me faisais alors fort de " traquer " ces merveilles une à une. Cette quête constituait un parcours géologique mais aussi un peu initiatique. J'étais attiré par le côté mystérieux de ces sites comme par les noms étonnants qu'ils portaient. Mais je voulais aussi en comprendre l'explication scientifique. Nous avons ainsi repéré la Pierre Percée, arche rocheuse sculptée par l'érosion, d'une dizaine de mètres, perchée sur une colline herbeuse en dessus de la Motte-d'Aveillans et dominant les quatre lacs de Laffrey, d'origine glaciaire. J'y ai effectué mes premiers exercices de rappel avec une corde d'alpiniste. Au loin on pouvait voir le fameux Mont Aiguille, appelé aussi " Mont inaccessible ", môle de calcaire urgonien en position avancé devant la forteresse du Vercors. Je ne le gravirais que l'année de mes 20 ans avec, pour redescendre, un rappel de quarante mètres. La Fontaine ardente, " La Font que brûle ", sise dans un petit cours d'eau près de Vif, résulte d'émissions gazeuses naturelles, qui crèvent la surface de la nappe d'eau et s'enflamment spontanément : les anciens y voyaient une bouche de l'Enfer. Les cuves de Sassenage sont des grottes aménagées pour la visite. C'est le lieu de résurgence de l'intrépide rivière Furon, qui, une fois libéré, bouillonne furieusement : la légende dit que ce sont les pleurs de la fée Mélusine. Près du lit de la rivière, on trouve des pierres " ophtalmiques ", qui, par leur douceur extrême, ont la vertu de soigner les maux d'yeux. Mais le mystère réside en sa connexion éventuelle avec le fameux gouffre Berger, qui s'enfonce dans le plateau calcaire situé 1 000 m plus haut. L'exploration de cet immense réseau karstique, qui constituait une des grandes aventures de cette époque, me passionnait. Un membre de notre famille, Louis Potié appartenait au groupe de spéléologie, qui progressait peu à peu, à chaque nouvelle tentative. Pour l'occasion, la maison d'optique Ambry où travaillait mon père, les avait équipés en lunettes spéciales. Ils réussirent finalement la première " opération - 1 000 m ". Une autre fois, ils teintèrent l'eau du gouffre Berger avec de la fluorescéine. Quelques heures plus tard, la fontaine de la place de Sassenage crachait une superbe eau verte : la connexion des eaux était établie mais le passage n'a toujours pas été réussi aujourd'hui par les différentes équipes de spéléologues. Sur la route de Saint Nizier, la Tour-Sans-Venin, dont on dit que les pierres ont le pouvoir d'éloigner les reptiles, est moins spectaculaire car elle tombe en ruine. Les Grottes de la Balme, près de Lagnieu, renferment de superbes concrétions. A trente ans, pour finir la série, je visitais enfin la Motte tremblante, îlot mobile, sorte de radeau en grande partie végétale, dans un marais près de Pelleautier dans les Hautes-Alpes. Certains parlent aussi de la Fontaine-Vineuse, dont l'eau ferrugineuse soigne les maladies de l'estomac, sise à Saint-Pierre-d'Argenton, près d'Aspres-sur-Buëch et de la Manne céleste de Briançon, " larmes figées d'une nymphe amoureuse " (qui seraient constituées de résines sucrées d'arbres ?). Mais à mon avis, le superbe pont de Claix, parfois cité, ne peut émarger, malgré sa perfection, à cette liste géologique. Par contre, je souhaite aussi signaler deux autres belles curiosités naturelles : la Fontaine pétrifiante de Réotier où les eaux minéralisées et thermales ont créé peu à peu une sorte de gargouille et les Demoiselles coiffées de Séuze, près de Gap, qui dansent éternellement dans leur salle de bal.

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volcan au  kamtchatka Le volcan Maly Semiachik et son lac d'acide vert jade
Photographie © J-M Bardintzeff


J'étais un bon élève, surtout passionné par les sciences, la géographie et l'histoire. Longtemps l'orthographe fut ma bête noire et je dus la travailler d'arrache-pied. J'ai eu la chance d'avoir de très bons enseignants à l'école maternelle comme dans le primaire, des années déterminantes pour le suite de la scolarité. J'envisageais déjà d'être plus tard géologue ou spéléologue voire... mineur de fond, pour explorer les profondeurs de la terre. Le soir, mes livres et mes rêves étaient peuplés de télescopes et de planètes, de mines et de cristaux, de dinosaures, d'ammonites, de fouilles archéologiques et aussi de volcans. Les pierres précieuses, "les étoiles d'en bas", me fascinaient. Je dessinais toutes sortes d'animaux préhistoriques. Mon " carré d'as " était constitué du redoutable tyrannosaure, de l'étonnant tricératops, du dimétrodon et du stégosaure, un peu ridicules. J'avais également un faible pour les grands mammifères du Tertiaire. L'Eocène, " aurore des temps récents ", me paraissait alors plein de promesses. J'imaginais successivement mon village de Brié à l'ère Primaire, puis Secondaire et Tertiaire, avec un baluchiterium dans le jardin ! Je m'émerveillai, un jour, d'apprendre qu'au musée de Leningrad (Saint-Pétersbourg), la ville natale de mon grand-père paternel - que je n'ai jamais connu - l'on pouvait admirer, naturalisé, un mammouth retrouvé quasi intact dans un sol gelé sous les glaces de Sibérie. J'étais passionné par les petits livres de la collection "Voir et Connaître", consacrés à la nature. Mais celui qui m'a le plus marqué durant mes années d'enfance m'avait été offert par ma grand-mère. Il avait un titre tout simple Les Sciences, et était mon livre de chevet, au point que je m'endormais avec. D'ailleurs je le conserve encore. Merveilleusement illustré, il répondait à toutes sortes de questions. Il parlait notamment du fameux "dragonnier de Ténériffe", qui pouvait vivre... 8 000 ans. Fasciné, j'imaginais un animal fabuleux... J'appris ensuite qu'il s'agissait... d'un arbre ! Quand, bien plus tard, j'eus la chance de visiter les volcans de îles Canaries, je caressais affectueusement le premier dragonnier que je rencontrai... J'en ramenais un petit plan à mon épouse. A vrai dire il ne payait pas de mine : avec ses trois feuilles il ressemblait à une jeune pousse de maïs ! Mais depuis nous veillons fièrement sur son développement : commence-t-il tranquillement chez nous, à Boulogne, une croissance de plusieurs millénaires ?

Le jeudi après-midi, notre jour de congé à l'époque, j'essayais d'entraîner ma mère au Muséum d'histoire naturelle. Dès l'entrée, une forte odeur de formol nous prenait à la gorge. On pouvait y admirer une cohorte de mammifères, présentés par couple comme dans l'Arche de Noé. Un crâne de baleine occupait le pied de l'escalier qui menait au premier étage, de zoologie systématique. Les animaux étaient classés par espèces. Fébrilement, je prenais des notes. Certains noms me fascinaient : bryozoaires, hydroméduses... Ma préférence allait à la vitrine des sauriens, avec les iguanes et les varans, véritables dinosaures miniatures. Mais bien sûr, je trépignais déjà à l'idée de monter à la galerie supérieure, consacrée à la géologie régionale et générale, pour y admirer les quartz de La Gardette, le moulage d'une pépite d'or, des empreintes de feuilles et des ammonites géantes...

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Volcan des  Açore Volcan aux Açores :
La caldeira de Sete Cidades, dans l'île de Sao Miguel
Photographie © J-M Bardintzeff


Certaines catastrophes telluriques avaient beaucoup fait parlé d'elles, tels les tremblements de terre d'Agadir au Maroc en 1960 puis de Skopje en Macédoine yougoslave en 1963. J'entendais aussi des histoires de volcans : mon grand-père se souvenait quand la nouvelle de la dramatique éruption de la montagne Pelée le 8 mai 1902, était parvenue en métropole. Tout cela me semblait... effrayant et fascinant. Bien que l'Homme apparaisse bien faible face aux forces de la nature, j'espérais qu'il y aurait un jour moyen de lutter plus efficacement contre les catastrophes naturelles.

(extraits du chapitre 1 - suite des aventures du futur passionné de volcans en deuxième partie)

Volcanologie en Martinique Volcanologie en Martinique
Jacques-Marie Bardintzeff à Saint-Pierre devant le cachot qui sauva la vie de Cyparis lors de la nuée ardente émise par la montagne Pelée le 8 mai 1902 qui fit 28000 victimes et laissa 2 survivants
Photographie © J-M Bardintzeff

 

Chapitre 2. Les années lycée

"Where there is a will there is a way" ("Avec la volonté on arrive à tout").


En septembre 1964, j'entrais au Lycée Emmanuel Mounier, du nom du philosophe grenoblois.

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Jacques-Marie Bardintzeff sur l'Etna en avril 2000 Jacques-Marie Bardinzeff au volcan Etna (Italie)
Photographie © J-M Bardintzeff


Mes idoles de jeunesse étaient Jacques Anquetil et Youri Gagarine. Je m'étais intéressé tout de suite à la conquête de l'espace, avec Gagarine, le premier cosmonaute, avait effectué en 1961 une révolution dans les deux sens du terme : autour de la Terre et dans l'avancée de l'exploration scientifique humaine. En 100 minutes il avait fait basculer le destin de l'humanité. Son vol spatial à la fois court et lumineux, d'une seule orbite terrestre, n'a d'ailleurs jamais été réédité depuis. Son avion s'est écrasé lors d'un vol d'entraînement en 1968 alors qu'il n'était âgé que de 34 ans... La Une du Dauphiné Libéré du 12 août 1962 restera à tout jamais gravée dans ma mémoire. On y voyait le cosmonaute soviétique Adrian Nikolaiev, qui avait décollé la veille à bord de son vaisseau spatial Vostok 3. Dans son scaphandre, bardé d'instruments, il nous... souriait ! J'étais admiratif devant le courage de cet homme effectuant une mission aussi dangereuse. Il faut préciser que ceci se passait un peu plus d'un an après le vol de Gagarine, au tout début de la conquête spatiale. Le lendemain une nouvelle " bombe " éclata. Papy tout excité brandissait la nouvelle édition du journal. Un deuxième cosmonaute, Pavel Popovitch, avait décollé à son tour à bord de Vostok 4, pour tenter de se rapprocher de Nikolaiev. Plus fantastique encore, les deux héros devaient en début de soirée traverser le ciel français et dauphinois. Au cours du repas du soir, chacun donnait son avis : tout y est passé, la conquête de la Lune, le futur débarquement sur la planète Mars, les extraterrestres... Avec une bonne demi-heure d'avance, nous étions rassemblés sur la terrasse devant la maison familiale. Puis deux petites étoiles jumelles et fugitives traversèrent la voûte céleste. Longtemps nous sommes restés silencieux, médusés. Bouleversé, je gardais les yeux fixés sur le ciel, pensant à ces deux hommes qui poursuivaient leur route, filant à 28 000 kilomètres à l'heure. Ce jour-là, je pris conscience de deux dimensions fondamentales en géologie : l'espace et le temps, grandeurs toutes relatives selon les références prises. La Terre, qui me semblait immense à visiter, m'apparaissait aussi bien petite puisqu'un homme en faisait le tour 17 fois par jour ! D'autres planètes - certaines volcaniques - seraient bientôt visitées. J'avais un peu le vertige en pensant à l'opposition entre la lenteur de l'évolution (150 millions d'années sépare un dinosaure d'un éléphant) et la formidable accélération de l'histoire (15 000 ans entre un peintre d'une fresque à Lascaux et un cosmonaute).

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Explosion du  geyser Strokkur - Islande Explosion du geyser Strokkur - Islande
Photographie © J-M Bardintzeff


Incontestablement, au lycée comme dans mes passions, j'étais nettement plus scientifique que littéraire. Ma matière préférée était bien évidemment les Sciences-Naturelles. Le responsable du laboratoire en était Henri Vaissière, toujours en blouse blanche. C'était mon maître à penser. Je l'admirais pour ses connaissances mais aussi pour son humour et son coté " pince-sans-rire ". Plus tard, enseignant à mon tour, j'ai toujours essayé d'allier les deux aspects : la science ne doit surtout pas être triste... Mais le programme de la classe de 4e, consacré à la géologie, m'a encore plus enthousiasmé. Dès l'introduction du cours, M. Vaissière nous brossa un panorama complet, de l'intérêt de la géologie : connaissance scientifique de l'histoire de la Terre bien sûr, mais aussi toutes les applications dans la vie quotidienne (matières premières minérales et énergétiques, travaux publics, risques naturels...). Pour résumer " connaître le passé, construire le présent, prévoir le futur ". Ceci se passait avant les chocs pétroliers et je me rends compte aujourd'hui du caractère visionnaire de ces propos. Finalement, chacun de nous est régulièrement confronté, sans le savoir forcément, à la géologie : quand on met de l'essence dans sa voiture, puis quand on emprunte une route ou un pont... Toute le géologie régionale a ensuite été traitée, du calcaire urgonien du Vercors aux sables d'Eybens, en passant par l'anthracite de La Mure et le pli-faille de Sassenage bien visible dans la cluse de l'Isère et le volcanisme éteint des Coirons près de la vallée du Rhône. Il faut dire que notre région, très variée, s'y prêtait particulièrement bien.

Volcan  Etna (Italie) Volcan Etna (Italie) :
Etna, 2 novembre 2002 : Panache de cendres de plusieurs centaines de mètres de haut, libéré par une nouvelle fissure située à 2750 m d'altitude sur le flanc sud. Un petit cône, haut de 50 m, s'est édifié
Photographie © J-M Bardintzeff


Un jour, M. Vaissière proposa de créer au sein de notre lycée, un club de géologie, qu'il se proposais d'encadrer ! Aussitôt un petit groupe fut enthousiasmé et le club vit bientôt le jour. Je fus élu secrétaire général du club et le restai, jusqu'en classe de terminale. Les activités prirent alors une autre dimension. L'hiver, nous visitions des musées, des laboratoires de recherche. Des ingénieurs et chercheurs nous y recevaient avec gentillesse et nous faisaient profiter de leurs connaissances et expériences, sans compter leur temps pour tout nous expliquer. Ces hommes me fascinaient. J'avais tellement envie de leur ressembler plus tard... A la Sogreah (Société grenobloise d'études et d'applications hydrauliques), nous avons découvert comment étaient modélisés les futurs chantiers : barrage sur le fleuve Orange en Afrique du Sud, aménagement du port du Havre dans l'estuaire de la Seine pour l'accès des super-pétroliers, maquette au 1/30e d'une digue au port d'Eze-sur-Mer dans les Alpes maritimes... Près de Voreppe, nous avons visité une briqueterie. A partir d'argiles, extraites de plusieurs carrières de la région, séchées puis chauffées pendant dix heures à 1 300 °C dans un four de 94 mètres de long, 30 000 briques étaient produites par jour. Je comprenais de mieux en mieux les applications et les implications majeures de la géologie. Dès le printemps, nous programmions des sorties sur le terrain : le grotte préhistorique de Fontaber, creusée par les glaciers, l'ancienne mine de fer d'Allevard. La découverte de fossiles de fougères et de prêles géantes dans les terrains carbonifères du bassin houiller de La Mure reste un très grand moment. J'apprenais qu'un volcan existait à Champs-sur-Drac, tout près de Grenoble... il y a environ 200 millions d'années, entre Trias et Lias, comme en témoignaient d'anciennes laves altérées, appelées " spilites ".

Volcanologie aux îles Kerguelens Volcanologie aux îles Kerguelens
Manchots royaux devant le Mont Ross enneigé, point culminant de l'archipel Kerguelen (1850 m)
Photographie © J-M Bardintzeff


Je visitais aussi avec mes parents, grands-parents ou des oncles et tantes les grottes de la région : Favot où avaient été retrouvés des ossements et des dents d'ours des cavernes, Vallier ancien abris préhistorique, Choranche avec ses longues stalactites si fines, qui se reflètent dans le miroir d'un lac souterrain, la Draye blanche. En descendant de la dent de Crolles, nous nous sommes aventuré quelques dizaines de mètres dans l'ouverture glaciale du Trou du Glas, qui a détenu un temps le record mondial de profondeur. Parallèlement je grimpais, parfois en skis de randonnée, sur les principaux sommets des trois massifs séparés par le " Y ", formé par la vallée de l'Isère et par celle de son affluent le Drac : Chamechaude et Pinéa en Chartreuse, Pic Saint-Michel dans le Vercors, Croix de Belledonne et Grande Lance de Domène dans le massif de Belledonne. Plus au sud, nous gravissions, le Taillefer et l'Obiou dans le Dévoluy. Au col du Goléon, j'atteignais à ski mon premier 3 000.

Coulée de  lave en Bulgarie Volcanologie en Bulgarie
Le canyon de la rivière Arda, creusé dans d'anciennes laves prismées (latites), au lieu dit ''Cheitan Kuppu'' (la Porte du diable)
Photographie © J-M Bardintzeff


Je m'intéressais à la géologie mais aussi à la préhistoire et l'archéologie (avec un faible pour la Mésopotamie), à l'astronomie (mon parrain m'avait construit une lunette astronomique pour observer les cratères de la Lune, qui n'ont rien de volcaniques car résultant d'autant d'impacts de météorites). Je constituais de véritables dossiers scientifiques. Je collectionnais minéraux, roches, fossiles et aussi les coquillages. Les cartes géologiques à l'échelle 1/50 000e de la région grenobloise tapissaient un mur de ma chambre. Je connaissais parfaitement les corniches tithonique et urgonienne, l'anticlinal de l'Ecoutoux et le synclinal perché du Néron. La " Géologie dauphinoise " de Maurice Gignoux et Léon Moret était devenue ma bible. Régulièrement encore je rends visite, au sommet du téléphérique de la Bastille, au monument dédié aux géologues des Alpes françaises : Wilfrid Kilian, Charles Lory et Pierre Termier, mes glorieux prédécesseurs. Dolomieu, minéralogiste dauphinois, qui, a donné son nom au minéral dolomite (carbonate double de calcium et de magnésium), à la roche dolomie et au massif italien des Dolomites, reste toujours pour moi une référence. D'ailleurs à Grenoble, la rue qui conduit au muséum porte son nom. Un jour mon père m'emmena voir au cinéma le film d'Haroun Tazieff, Les Rendez-vous du diable, qui m'impressionna fort. Certaines séquences encore plus que les autres : le ballet incessant mais vain des bulldozers essayant de stopper l'avancée inexorable des coulées de lave au Kilauea à Hawaii, le lac d'acide vert jade du Kawah Idjen à Java en Indonésie dans lequel un bloc de calcaire disparaît en bouillonnant. De plus, le volcan Taal aux Philippines s'était brusquement réveillé en septembre 1965. J'apprenais ainsi mes premiers noms de volcans. J'ignorais alors que plus tard j'irais les visiter. Un jour, Tazieff vint à la librairie Arthaud pour présenter son dernier livre, L'Etna et les volcanologues, et pour la première fois je rencontrais ce grand homme... le temps d'un autographe. Quand un sujet de rédaction " Quel métier envisagez vous plus tard et pourquoi ? " nous fut donné au lycée, sans hésitation je traitais de la volcanologie. J'argumentais mon devoir sur la prévision des risques afin de sauver les populations menacées, sur le volcan utile et la géothermie, autant de thèmes que j'aurais l'occasion de développer plus tard au cours de mes recherches. Alors que la géologie peut sembler, dans l'esprit du public, une science figée, la volcanologie lui donne un caractère vivant incontestable. Mon projet professionnel était devenu très clair ; il ne me restait qu'à m'en donner les moyens.


La suite dans l'excellent ouvrage de Delachaux et Niestlé (208 pages, 2000)


Erosion dans  des dépôts volcaniques et volcano-sédimentaires Volcanologie en Bulgarie
''Les pattes du diplodocus'' à Dajdovnitza, scultées par l'érosion dans des dépôts volcaniqueset volcano-sédimentaires
Photographie © J-M Bardintzeff


Bibliographie récente de l'auteur :

- "Volcanologie", Masson, 1991, 2ème édition, Dunod, 1998
- "L'Homme et.. les volcans", Le Léopard d'Or, Muséum de Lyon, Arppam, 1991
- "Volcans", Armand Colin, 1993
- "Volcans et séismes", coll. "En savoir plus", Hachette, 1995
- "Connaître et découvrir les volcans", Liber-Minerva, 1997 et 2ème edition Minerva, 2004
- "Vocation volcanologue", Delachaux et Niestlé, 2000
- "l'ABCdaire des Volcans", Flammarion, 2001


Présentation de l'auteur :

Né le 30 décembre 1953
Ecole Normale Supérieure de Saint-Cloud (1973-1977), Professeur agrégé (1977), Docteur d'état en volcanologie (1985), Membre du jury de l'Agrégation (1989-1996) et du Capes (depuis 2002) des Sciences de la vie et de la Terre, Vice-Président de la Société Géologique de France (1989), Lauréat du prix Furon (1992), de l'Académie Bulgare des Sciences (2000).
Auteur ou co-auteur de plus de 260 publications et communications scientifiques.

Domaine de compétence :

Volcanologue. Spécialiste des volcans actifs et des dynamismes éruptifs (Antilles, Amérique Centrale, Indonésie, Grèce, Cameroun), des îles volcaniques (Kerguelen, Polynésie), du volcanisme ancien (Bulgarie, Madagascar) et des risques naturels.

Présence dans les médias :

Conseiller scientifique de l'Encyclopédie Axis Hachette (1989-1992), de la revue Eurêka (1995-2001), du Petit Larousse (depuis 2003), Rédacteur-en-chef puis Directeur de la publication de la revue "Géochronique" (depuis 1988)

Participation à des émissions :

*radiophoniques (France Inter, France Info, RTL, Europe 1, RFI, radios libres)
*télévisées (Journal TF1, Ushuaia, France 3, La Cinq, M6, LCI, RFO, Canal J, TV satellites, Télévisions scolaires, spots publicitaires Volvic)

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