DOSSIER : Savoir collectionner les minéraux, pour une collection de minéraux raisonnée et raisonnable | |
par Jean-Marie PENDEVILLE
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QUELQUES PRELIMINAIRES A ceux qui douteraient que la constitution d'une bonne collection de minéraux soit encore possible aujourd'hui, je dirais qu'ils se trompent mais qu'en effet, cela représente beaucoup de difficultés et de pièges, et que les efforts à fournir doivent être à la mesure des ambitions. Une bonne et belle collection ne se conçoit que dans la durée. Elle doit être raisonnée et maîtrisée, à partir d'un objectif précis. Elle mobilise énormément de courage et de patience. Et, surtout, elle ne peut prospérer qu'en s'appuyant sur des connaissances de plus en plus affinées. Il est évident que, la plupart du temps, elle commence à l'aveuglette, impliquant des erreurs de jugement, des emballements immotivés ou même de grotesques naïvetés. Mais ses débuts doivent être regardés comme une maladie de jeunesse. Le plus vite possible, le jeune collectionneur doit faire intervenir son esprit critique et reconnaître qu'il doit sélectionner ses échantillons plutôt que les accumuler. Qu'il conserve avec émotion ses premières pierres, cela est tout à fait concevable, mais qu'il se garde ensuite de la noyer dans une caillasse sans intérêt et sans valeur ! J'ai vu, hélas ! trop souvent d'importantes collections, fruits d'années et d'années de récoltes, d'échanges ou d'achats, ayant englouti tellement de temps, d'efforts et d'argent et qui, un jour, se révélaient pour ce qu'elles étaient : dérisoires. Exactement, elles n'étaient plus qu'un bric-à-brac dont nul héritier, nul marchand, nul musée même ne voulaient, ne savaient que faire. Vouées quasiment à une liquidation de brocante. Il est évident que tout apprentissage implique que l'on se fourvoie mais il serait grave que les tâtonnements du jeune collectionneur ne soient pas jalonnés très vite de progrès successifs. Certes les désillusions, les gaspillages d'énergie, les frais inutiles, les méchantes tractations peuvent être admises comme inéluctables sur le parcours de combattant qu'est la genèse d'une collection, mais il faut se convaincre qu'on peut très vite s'en prémunir ou, du moins, les atténuer, les raréfier à partir d'un savoir essentiel. Ce savoir, ce viatique du collectionneur lucide, n'est pas nécessairement, contrairement à ce qu'on pourrait croire, communiqué par les livres spécialisés.Les manuels de minéralogie présentent des connaissances scientifiques indispensables, mais ils font fi de tout conseil pratique et de prudence pour l'élaboration d'une collection, J'ai fonctionné trop longtemps moi-même, sur base de données livresques m'acharnant à acquérir tel ou tel minéral de bonne mine aperçu dans un bouquin, pour ignorer les méprises que cela entraîne. Un courtier de mes amis, à ma requête, me fournissait le minéral désiré, commandé comme à partir du Catalogue des 3 Suisses, et je ne gardais finalement qu'une pierre morne, sans valeur marchande ni esthétique. Qui était dite rare, et alors ? La belle affaire ! Une pierre de plus. Un poids mort ! Une pierre incrustée comme un parasite dans ma collection, que personne d'autre ne désirerait jamais. Au-delà (ou plutôt, avant et au-dessus) des données livresques sur les minéraux, sur leurs caractéristiques et gisements, données indispensables, certes, mais insuffisantes pour guider le collectionneur néophyte, il y a quelques règles d'or trop souvent ignorées ou négligées :
En ce sens également, la fréquentation de collectionneurs avertis ou l'adhésion à un club minéralogique sérieux ne peuvent être que bénéfiques. La valeur exemplative de ceux qui ont déjà déjoué les pièges de la minéralogie balbutiante stimule les vertus indispensables à tout progrès : la persévérance et la débrouillardise. Il faut savoir ce à quoi l'on peut prétendre et se dire à partir de ce que l'on voit : si d'autres l'ont fait, pourquoi pas moi ? Sans doutes inutiles, sans frilosité, avec enthousiasme. Ici, à ce stade de l'exhortation, je sais qu'on pourrait me reprocher un excès d'optimisme. J'entends certains m'objecter qu'une bonne collection est aussi (et peut-être avant tout) tributaire de conditions particulières, tel l'endroit où l'on collectionne, tel le pouvoir d'achat. Oui, certains facteurs facilitent considérablement les choses. On ne pourra espérer assembler une grande collection de gemmes si l'on ne dispose pas de gros moyens financiers. On ne pourra constituer un très large ensemble de minéraux typiques d'un pays ou d'un gîte déterminé que si l'on y a vécu. Et si certains exemples frappants nient cette fatalité (Je connais deux collectionneurs belges, l'un de Liège, l'autre de Vilvorde n'ayant jamais mis les pieds hors de Belgique et qui pourtant ont d'excellentes collections de minéraux du Congo-Zaire ; leur acharnement a suppléé à leur handicap), j'en conviens, de façon quasi générale, il paraît normal d'avoir les moyens de ses prétentions. Cela tombe sous le sens. Mais... d'autre part... trop limiter ses rêves serait bien triste chose. L'âme d'une collection est le rêve, et peut-être même le rêve fou. C'est lui qui transcende la possession mesquine, la fatuité stupide, le stockage étiqueté et poussiéreux. Sans lui, une collection se figerait très vite, éteindrait très vite ses couleurs pour mourir de sa belle mort. Une collection repart, se revivifie sans cesse par de nouvelles espérances. Pourquoi la prochaine pierre ne serait-elle pas la plus précieuse, la mieux aimée ? S'il est pertinent, ainsi que reconnu tout à l'heure, de raisonner une collection quant à ses paramètres, il n'en est pas moins aberrant de croire qu'elle est irrémédiablement conditionnée par des facteurs logiques. Ainsi a-t-on vu des gisements prétendument épuisés, enfanter à nouveau des merveilles. Ainsi a-t-on pu découvrir au sein du lot quelconque d'un dealer grossiste, une beauté cachée, un "sleeper" ainsi que l'appellent les spécialistes. Le hasard se force, le miracle existe et la foi (de son autre nom, le rêve agissant) transporte les montagnes. Les montagnes où dorment les pierres, dans leurs profondeurs secrètes. |