Compte-rendu et commentaires de la « Journée d’étude », consacrée initialement à « La protection juridique du patrimoine des sciences naturelles »
Cette journée était organisée par la section Sciences, Histoire et Patrimoine des Sciences et des Techniques et Archéologie industrielle du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques (CTHS), à l’invitation de M. le Député Christophe Marion, le lundi 24 mars de 8h30 à 18h, à l’Assemblée Nationale – Salle Lamartine, 101, rue de l’Université – 75007, Paris.
Le thème de la journée était initialement intitulé :
La protection juridique du patrimoine des sciences naturelles
Il a été changé la veille de la réunion pour devenir :
Pourquoi et comment préserver le patrimoine des sciences naturelles ?
Le programme aussi a un peu changé avec l’absence de certains intervenants programmés initialement. Que s’est-il passé ?? Mystère ! Reconnaissons, à la décharge des organisateurs, il est très difficile d’organiser ce genre de réunion.
La participation se faisait sur inscription uniquement.
Géopolis n’a été ni invitée à cette journée, ni même informée directement de sa tenue. L’information nous a été communiquée par le Président de l'association paléontologique de Villers-sur-Mer. Nous les remercions vivement pour leur initiative, sans laquelle nous n’aurions pas pu participer. In extremis. En effet nous avons été informés le 10 mars alors que les inscriptions devaient se faire au plus tard le 14 !
Les participants et intervenants
Il y avait une centaine de personnes, beaucoup d’institutionnels, universités, musées, ministères, réserves géologiques :
- M. le Député Christophe Marion – Renaissance (3ème circonscription du Loir et Cher) – Commission des affaires culturelles et de l’éducation. Délégué Général du CTHS ;
- La section Sciences, Histoire et Patrimoine des Sciences et des Techniques et Archéologie industrielle du Comité des Travaux historiques et scientifiques (CTHS) ;
- Le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) ;
- Sorbonne Université ;
- L’école des Mines de Paris (Mines Partistech) ;
- L’université de Lille ;
- Cergy Paris Université ;
- Les réserves géologiques ;
- l'École Normale Supérieure ;
- L’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ;
- L’université de Strasbourg
- la Fédération française des sociétés de sciences naturelles (FFSSN) et le musée d’Elboeuf.
On notait l’absence d’enseignants des lycées et collèges et celle de géologues du privé. l’Association Paléontologique Française (APF) et la Société Géologique de France (SGF) n’étaient pas expressément représentés. Dommage.
Il n’y avait pas d’intervenants représentant les amateurs. Il y avait cependant des participants venant d’association d’amateurs (mais uniquement en géologie). Outre Géopolis, il y avait l’association de Villers sur Mer et la Fédération française des amateurs de minéralogie et paléontologie (FFAMP). Et nous insistons sur le fait que les sujets abordés dépassaient largement celui des collections des sciences de la terre : toutes les sciences naturelles étaient concernées ainsi que l’archéologie et l’anthropologie. Il a même été question de la conservation voire de la restitution d’objets rituels acquis pendant les colonisations.
Pas d’amateurs dans aucun des autres domaines que celui de la géologie donc.
Il n’y avait pas d’intervenants représentant les commerçants et/ou exploitants. Les rares participants de ces communautés sont venus en observateurs.
Objectif annoncé par les organisateurs :
« Cette journée a pour objectif de mettre en évidence la diversité du patrimoine des sciences naturelles, les limites des réglementations mises en oeuvre pour assurer sa protection et sa conservation et de réfléchir aux pistes de progression envisageables. En effet, constitué de collections muséales et universitaires et également de collections hors contexte muséal et de sites référencés (géosites et parcs naturels), ce patrimoine montre une extrême hétérogénéité, tant dans la nature des objets (forme, support, domaine de rattachement) que dans les besoins de conservation et les pratiques qu’il suscite. Un certain nombre de questions relatives à la régulation de son accessibilité, de sa gestion, de sa valorisation, de son enrichissement voire de sa restitution seront abordées, en s’appuyant sur l’exemple des sites et objets archéologiques.
Dans la continuité des travaux du 145e congrès annuel du Comité des travaux historiques et scientifiques (CTHS) qui s’est tenu à Nantes en 2021 (Collecter, collectionner, conserver), on
s’intéressera notamment à ce qui concerne les contours de collections à valeur patrimoniale dont la constitution relève de l’intime, du collectif, du passé, du présent, du tangible ou du symbolique. On discutera également des liens entre les institutions garantes du patrimoine des sciences naturelles et les amateurs, dont certains sont susceptibles d’avoir constitué des collections d’une grande valeur patrimoniale mais dont le mode de collecte ou la transmission hors cadre réglementaire pose problème. On traitera, enfin, de la protection de sites d’intérêt archéologique, géologique ou biologique et des discussions autour de leur fréquentation libre ou régulée.
Cette journée d’étude se déroulera en deux temps. Quelques exemples emblématiques de valorisation des collections précéderont une présentation historique des problèmes de réglementation et de législation concernant le patrimoine des sciences naturelles. Ces présentations serviront d’introduction aux quatre tables rondes qui suivront portant sur les cadres plus spécifiques (1) des réserves naturelles, (2) des collectes et mises en collections, (3) des interactions entre amateurs et institutions et (4) des collections universitaires.
À l'issue de cette journée, les échanges seront retranscrits dans un document de synthèse qui sera mis à la disposition de tous les acteurs du domaine et du législateur qui pourra s’en emparer pour réfléchir à faire évoluer la législation dans le but de mieux épouser les contours du patrimoine des sciences naturelles dans toute sa diversité. »
ORGANISATION DE LA JOURNEE :
Il y avait donc des présentations (conférences) entre lesquelles s’inséraient, l’après-midi, des tables rondes.
Les présentations
- Arnaud Hurel : Muséum National d’Histoire Naturelle - Département Homme et Environnement - UMR 7194 HNHP. Section SHPSTAI du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques)
Liberté individuelle versus intérêt collectif : l'exemple de la protection des objets de l'archéologie préhistorique
- Anne Lehoërff : Chaire Inex "Archéologie et patrimoine", CY Cergy Paris Université
Le patrimoine d’« histoire naturelle » : un concept aux contours flous et une législation à réfléchir.
- Amélie Vialet : Muséum National d’Histoire Naturelle - Département Homme et environnement - UMR 7194 HNHP
Section SHPSTAI du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques
De l’importance du contexte pour la valorisation des collectes anciennes : exemples des restes humains (France XIXe s, Mali XXe s.).
- Loeiza Iacono : UMR 208 - Patrimoines locaux, globalisation et environnement (IRD-MNHN-CNRS).
Le statut des collections d'histoire naturelle des lycées : sous vitrines ; au tableau ; au grenier ?
- Adèle Chevalier : Muséum National d’Histoire Naturelle - Département Homme et Environnement - UMR 7194 HNHP
Restituer la valeur scientifique de collections anciennes : le cas du site préhistorique de Samrong Sen (Cambodge).
- Léane Mousseau : Institut des Sciences de la Terre de Paris – UMR CNRS 7193, Sorbonne Université (étudiante)
Dans le laboratoire d'un géologue au XIXe siècle : à la découverte de la collection de géologie expérimentale de Stanislas Meunier au Muséum national d'histoire naturelle.
- Éric Buffetaut : CNRS, Laboratoire de Géologie de l'École Normale Supérieure, Paris. Section SHPSTAI du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques
Le patrimoine paléontologique des falaises normandes : protéger, c'est récolter librement.
- Jérôme Tabouelle : Fabrique des savoirs - musée d'Elbeuf. Section SHPSTAI du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques
Récoltes, statuts et devenir des objets d’HN hors collections publiques : exemple de la collection paléontologique d’un amateur : Gérard Carpentier (Tourville la Rivière).
- Brigitte Zanda : Muséum National d’Histoire Naturelle - Département Origines et Évolution - UMR 7590, IMPMC – SU & CNRS. Section SHPSTAI du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques
Météorites : des objets venus d’ailleurs.
- Paola Giura et Céline Paletia : Institut de Minéralogie, de Physique des Matériaux et de Cosmochimie (IMPMC), Sorbonne Université, Muséum National d'Histoire Naturelle, UMR CNRS 7590. Pôle Collections scientifiques et patrimoine de la bibliothèque de Sorbonne Université
Recherche, enseignement et médiation scientifique au sein de la collection de minéraux de Sorbonne Université.
Modérateurs des tables rondes :
- Santiago Aragon : Faculté des Sciences et Ingénierie de Sorbonne Université – UFR 927 (Biologie) et CNRS – UMR 208 (PALOC). Section SHPSTAI du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques
- Tiphaine Barthélémy : Vice-présidente du Comité des Travaux Historiques et scientifiques
- Jean-Luc Chappey : Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Section SHPSTAI du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques.
- Rémi Gaillard : Pôle collections scientifiques et patrimoine de la bibliothèque de Sorbonne Université.
- Pierre Pénicaud : délégation à l’inspection, à la recherche et à l’innovation - Direction générale des patrimoines et de l’architecture - Ministère de la Culture.
- Sébastien Soubiran : Jardin des sciences, Université de Strasbourg
Sessions de tables rondes
14h10 Table ronde sur la protection in situ des aires abritant du patrimoine naturel, conduite par François Dusoulier, Jérôme Tabouelle et Éric Buffetaut
15 h00 Table ronde sur les problèmes de collecte et appropriation du patrimoine mobilier, conduite par Pierre Pénicaud, Marie-Béatrice Forel, Isabelle Rouget et Brigitte Zanda
16h10 Table ronde sur les interactions avec les amateurs conduite par Jérôme Tabouelle et Amélie Vialet
17h00 Table ronde sur les réglementations autour des collections universitaires et des collections publiques conduite par Sébastien Soubiran, Rémi Gaillard, Paola Giura, Santiago Aragon et Pierre Pénicaud
17h30 : Discussions et questions
Impressions sur la matinée
Il a beaucoup été question de préhistoire et d’archéologie. Il semble qu’il y avait le projet de d’englober tout ce que l’on appelle patrimoine des sciences naturelles et d’y appliquer une loi unique. On avait l’impression que l’essentiel de la matinée a été consacré à essayer de nous convaincre par une définition – hasardeuse - du patrimoine des sciences naturelles, faite curieusement par une historienne et archéologue, que le patrimoine des sciences naturelles était la même chose que le patrimoine archéologique. Et que par conséquent, l’archéologie étant en pointe au niveau législatif sur le sujet, il fallait appliquer les mêmes règles au patrimoine des sciences naturelles. On a bien senti que les organisateurs cherchaient à trouver des solutions législatives pour limiter un secteur privé qui détient une partie du patrimoine géologique, et un secteur marchand et économique qui alimente ce patrimoine. Le projet serait bien de légiférer, donc de limiter encore les marges de liberté, en prenant appui sur ce qui se fait en archéologie.
On peut s’interroger sur cet étrange souci qu’ont les historiens et archéologues de vouloir légiférer sur le patrimoine des sciences naturelles.
Une première intervention bien inquiétante
Tout est parfaitement résumé dans la première intervention de Arnaud Hurel : « Liberté individuelle versus intérêt collectif : l'exemple de la protection des objets de l'archéologie préhistorique. »
Le 145e congrès du CTHS ("Collecter, collectionner, conserver", Nantes, 2021) avait offert l'occasion de souligner la grande diversité des problématiques scientifiques autour des collections. Il avait, entre autres, mis en lumière la multitude d'acteurs impliqués dans la gestion, la conservation et la valorisation des collections de sciences naturelles, tout comme les tensions propres à ce domaine. Si la protection d'une partie des objets naturels est garantie par quelques éléments de réglementation spécifiques, tous n'en bénéficient pas. De plus, la question des conséquences de la liberté de collecte et de commerce par tout un chacun reste posée dans nombre de cas. L'archéologie préhistorique a elle-même été longtemps - pendant un siècle - en-dehors des cadres de patrimonialisation et donc de protection. A ce titre, elle offre un intéressant modèle de la difficile marche vers la patrimonialisation des collections scientifiques. La prise en compte de l'acte de collecte, en l'occurrence par la mise en place d'une législation sur les fouilles reprenant l'ancien mot d'ordre de Victor Hugo : "Une loi suffirait. Qu'on la fasse", permit de mettre en oeuvre les outils juridiques et administratifs garantissant, au profit de l'intérêt général, une gestion protectrice des objets mis au jour (naturalia et artificiala).
Éric Buffetaut : Le patrimoine paléontologique des falaises normandes : protéger, c'est récolter librement.
Nous avons particulièrement apprécié l’intervention d’Éric Buffetaut qui a été reprise par le Président de l’association paléontolgique de Villers-sur-Mer. Ils ont rappelé à quel point il est absurde d’interdire le ramassage des fossiles à Villers-sur-Mer alors que l’érosion en produit de grandes quantités qui sont vouées à une disparition naturelle. Et à quel point le ramassage par des amateurs éclairés ou non était bénéfique à la communauté scientifique.
Les formations mésozoïques affleurant dans les falaises côtières de Normandie sont connues pour leur richesse en fossiles depuis le XVIIIe siècle. De nombreux musées détiennent d'importantes collections paléontologiques provenant de ces falaises. La très grande majorité des fossiles constituant ce patrimoine unique, qui a fait l'objet de nombreuses études, a été récoltée par des amateurs, dont les collections ont naturellement trouvé leur place dans des musées. Du fait de l'érosion rapide et massive à laquelle sont soumises ces falaises, seule la récolte des fossiles par le plus grand nombre possible de collecteurs peut assurer la préservation de ce patrimoine en le sauvant de la destruction par les agents naturels. De ce fait, les projets visant à interdire la libre collecte des fossiles sur l'estran sont non seulement contre-productifs mais également anti-scientifiques, car ils conduiraient inévitablement à une perte dramatique d'information scientifique. Il est urgent de les combattre en mettant en évidence leur absurdité.
Brigitte Zanda : Météorites : des objets venus d’ailleurs.
Mme Zanda a rappelé qu’elle souhaite combler les « trous dans la raquette » de la législation en matière de propriété des météorites.
Les météorites sont les reliquats de corps rocheux et/ou métalliques entrés en collision avec la Terre après avoir parcouru des milliards de kilomètres dans l’espace interplanétaire et survécu à la traversée de l’atmosphère. Trois parties sont susceptibles de se les approprier après leur découverte : le propriétaire du fonds, le découvreur et la puissance publique. En l’absence d’une loi en France, les litiges entre propriétaires et découvreurs ont, par le passé, été tranchés sur la base du code civil qui distingue les biens « immeubles » (incorporés dans le sol) des biens meubles (détachés du sol). Ainsi, les quelques dernières dizaines de centimètres parcourus par ces objets venus d’ailleurs changent leur destinée : s’ils restent en surface, ils reviennent au découvreur, tandis qu’ils reviennent au propriétaire du terrain s’ils se sont enfoncés dans le sol. Leur appropriation par l’État en vue de leur conservation et de leur valorisation scientifique ne peut intervenir qu’au terme de difficiles négociations.
On pourrait comprendre ( ?) les inquiétudes de Mme Zanda quand on voit l’importance qu’a pris le marché de ces objets. Encore faudrait-il convenir que ce marché soit critiquable, ce qui est loin d’être le cas. Rappelons que ce sont des commerçants qui ont développé par exemple la récolte des météorites du nord-ouest africain. Il ne faut pas oublier que ce marché a apporté des météorites majeures (météorite de Paris par exemple). Il ne faut pas oublier que des scientifiques y sont impliqués. Il ne faut pas oublier les dons faits par les marchands et les collectionneurs. Il ne faut oublier aussi que le marché des météorites a connu un effet de mode et que cet effet s’estompe (la cote des météorites martienne est passée de sept chiffres à deux chiffres le gramme). Il ne faut pas oublier que ce marché a créé un engouement et incité des amateurs à entrer dans des démarches de science participative.
D’ailleurs, en réponse à une question de Richard Tremblier, Mme Zanda qui se plaignait de certains comportements d'amateurs (détection dans les jardins de particuliers ayant entrainé la pause par certains de panneaux d'interdiction devant leur maison), a admis que sans l'appel aux amateurs il aurait été impossible pour elle de récupérer des morceaux d’une météorite en Normandie.
Les réserves géologiques… des propos immatures
L’intervention d’une responsable des réserves naturelles a été particulièrement choquante. Elle reprenait des propos diffamatoires que l’on aurait pu croire oubliés ces dernières décennies. Pour résumer : les amateurs et collectionneurs sont présentés comme des pilleurs et des saccageurs.
Il est inadmissible que l’on accuse ainsi ouvertement l’ensemble des collectionneurs, des commerçants et des récoltants.
Il était tentant de retourner la politesse à cette intervenante en évoquant les dysfonctionnements des institutions.
Par exemple, celui emblématique de la décision institutionnelle de la disparition d’un gisement majeur… l’estran devant la falaise des Vaches Noires !!! Disparition inéluctable par l’action de la mer. Mais la morale, l’idéologie, sont sauves, les amateurs, les commerçants et les récoltants étant écartés.
Cette intervenante mettait aussi en question l’existence des bourses jugée néfaste. C’est oublier qu’une bonne part de nos concitoyens ont découvert le monde minéral et géologique grâce aux bourses, bien avant de visiter les (rares) musées.
C’est oublier aussi que le marché et en particulier les bourses permettent d’actualiser le niveau du patrimoine. Les musées actifs s’informent et s’accroissent par des acquisitions dans les bourses comme le montre l’exemple emblématique de Tucson, et autres grands salons européens, où la présence des conservateurs des grands musées de minéralogie et paléontologie internationaux est massive.
On se vante du patrimoine de nos musées mais on ne regarde pas quels sont leurs retards en minéralogie et paléontologie.
Impression sur les tables rondes
Les tables rondes (discussions) ne se sont pas exactement déroulées comme prévu et ont été peu constructives. Certains sujets ont attiré davantage d’interventions et d’autres ont forcément été écourtés. Le débat sur les falaises de Villers a été important mais pas concluant. Une intervention a été particulièrement importante et remarquée. Celle d’un étudiant en sciences humaines qui n’est ni amateur, ni collectionneur, ni récoltants. Il s’est dit choqué par l’agressivité de représentants des institutions à l’égard des citoyens collectionneurs, marchands et récoltants.
Le rôle des institutions n’est-il pas plutôt d’écouter leur voix, plutôt que de mettre en avant une idéologie délétère où la morale occulte les faits.
Les prises de paroles de Géopolis
La journée s’est essentiellement déroulée avec les interventions programmées mais il y a eu quelques temps de discussion libre où nous avons pu tout de même intervenir et dire rapidement notre point de vue. Geopolis a plaidé la liberté donnée à tout un chacun d’accéder au patrimoine géologique dans la nature, d’en extraire librement certains objets, ainsi que pour l’existence d’un secteur privé, marchand et/ou exploitant. Nous sommes contre la criminalisation du ramassage des objets géologiques et nous prônons l’information et l’éducation. Nous avons pu dire qui nous sommes et qui nous représentons (environ 2000 adhérents), que nous travaillons à défendre les intérêts des amateurs, que nous pensons jouer un rôle essentiel dans la diffusion des connaissances scientifiques et dans le combat de certains obscurantismes (créationnistes, platistes, litotérapeutes, ….). Nous avons pu réaffirmer que nous ne souhaitons pas davantage de règlementation.
Un premier bilan mitigé
Le bilan de la journée est d’une certaine manière pour nous positif dans la mesure où il n’en est rien sorti de concret. Statu quo. La nature des objets de sciences naturelles est si diverse, les collections si nombreuses et variées, les interlocuteurs si nombreux et les problèmes à résoudre, réels et le plus souvent imaginés, si complexes, qu’il est peu probable que l’on parvienne à synthétiser rapidement et facilement tout cela.
Toutefois, il ne faut pas oublier que les partisans des interdictions sont toujours présents et actifs et qu’ils souhaitent voir tout interdire considérant le ramassage comme du pillage et les amateurs donc comme des vandales. Tout objet étant patrimoine, il doit être interdit à toute personne non habilitée c'est-à-dire 99,99% environ de la population. Et le ramassage donc la collection privée et le commerce criminalisés. Ils veulent toujours aboutir à une loi qui au nom de la patrimonialisation, de la protection, interdirait presque tout au secteur privé et commercial.
Qu’en conclure ? Que devons nous faire ?
Ce qui s’impose est que nous ne devons pas attendre qu’il soit trop tard pour réagir. Développons notre propre argumentaire, inventorions et valorisons tout le travail fait par les amateurs dans les clubs et associations. En ce sens, Géopolis va présenter des sujets de réflexions et vous invite à y participer. Ne soyons pas à la remorque des idéologues qui veulent nous supprimer. Soyons au contraire à l’initiative de la démonstration de l’intérêt de nos activités et faisons-le savoir. Dans un premier temps, sans attendre nous devons cesser de nous défendre comme des présumés coupables !
Ça suffit !!!
On ne juge pas une communauté sur les actes de délinquants. N’importe quelle communauté souffre de délinquants qui s’y trouvent inévitablement. Il faut que cesse les accusations qui ne vont que dans un sens : des institutions vers le privé. En réaction, préparons un inventaire des actes critiquables et/ou délictueux qui affectent les institutions afin de remettre à leur place certains accusateurs : vols en interne ou dus à des négligences, décisions de disparitions de musées, mise à la poubelle, incompétences constatées et argumentées, méconnaissance du marché et de l’évolution des objets de patrimoine, dérives de l’administration, rôle minoré des scientifiques, …
Des faits rien que des faits !!!
- Ces dernières décennies la minéralogie patrimoniale française a connu un développement important grâce à l’activité des amateurs, comme en témoignent les excellentes revues que sont Le règne Minéral et le Cahier des micromonteurs.
- La galerie de minéralogie et la salle du trésor du MNHN ont disparu. L’exposition Trésors de la Terre devait être temporaire, heureusement elle a survécu mais s’apparente plus à un centre d’interprétation qu’à un musée. Le niveau d’acquisition y est inférieur à celui d’un collectionneur moyen. Il se fait grâce à une association d’amateurs et de membres bénévoles.
- Le musée de l’École des Mines a été amputé de son fond historique de paléontologie. Il a été plusieurs fois menacé de disparition. Le niveau d’acquisition annuel y est inférieur à celui d’un collectionneur moyen. Il se fait grâce à une association d’amateurs.
- Le petit musée de fossiles de Jussieu a disparu : il n’y a plus de présentation permanente accessible au public au moins une après-midi par semaine. Même pour les étudiants en sciences de la terre qui avouent n’y être jamais allés.
- Le musée de minéraux de l’École des Mines d’Alès a été mis en boites. Un projet promet sa résurrection possible.
On peut aller plus loin dans d’autres domaines où les institutions ont altéré le patrimoine ou du moins sa présentation. Avec, par exemple pour Paris, les disparitions du musée des arts et traditions populaire (mis en réserves) et du musée d’ethnologie de la Porte Dorée (englouti par le critiqué musée des arts premiers).
L’État n’a pas le monopole du patrimoine !!!
L’histoire montre que l’État est presque systématiquement en retard sur l’évolution du Patrimoine culturel national. Ainsi, par exemple, il n’y avait que deux oeuvres de Picasso à son décès dans les musées français. En ce qui concerne les sciences de la terre : combien y a-t il de minéraux et fossiles majeurs chinois récents dans les musées français, et de minéraux majeurs récents pakistanais, mexicains, indiens ou russes ? Pour revenir à la France, la plus importante collection de minéraux français jamais constituée est celle, bâtie ces dernières décennies par un collectionneur privé français, certes aisé, mais avec des moyens bien faibles au regard des budgets des établissements institutionnels.
Il faut bien le reconnaître : c’est la société avec l’ensemble de ses membres et l’ensemble de ses activités qui génèrent le patrimoine ; ce que l’on choisit de léguer aux générations futures.
Il faut aussi approfondir ce que l’on entend par patrimoine. Ces dernières années, il s’est fait une distinction entre le patrimoine matériel et le patrimoine immatériel.
En sciences de la terre, on comprend bien ce qu’est le patrimoine matériel dont la partie émergée est constituée surtout des objets des collections publiques et privées.
Pour ce qui est du patrimoine immatériel, il est constitué des savoirs et donc de ceux qui les détiennent. Il y a les scientifiques mais pas tant qu’on pourrait le penser car ils sont peu nombreux et leur travail concerne la science en marche. Il y a les employés des musées de plus en plus sollicités par des tâches administratives ou de médiation. Il y aussi les amateurs récoltants qui gardent la mémoire des gisements. Comme le disait un géologue : les trois choses les plus importantes en sciences de la terre sont premièrement le terrain, deuxièmement le terrain et troisièmement le terrain. Les amateurs récoltants occupent une bonne part du terrain comme le montre l’exemple des Vaches Noires. Les collectionneurs amateurs sont aussi dépositaires d’un savoir sur la valeur patrimoniale des objets de leur collection. En conclusion les amateurs et collectionneurs font partie du Patrimoine.
Le marché est aussi une source de savoir patrimonial.
Des axes de revendications
Pour conclure, voici quelques axes de revendications et de réflexions, pour en finir avec les accusations diffamatoires dont sont victimes les amateurs et acteurs du marché. La liste n’est pas définitive ni exhaustive. Nous attendons vos suggestions, commentaires et critiques.
Les amateurs et le marché font l’histoire, ils sont à l’avant-garde du patrimoine matériel, ils sont une bonne part du patrimoine immatériel, ils sont les inventeurs et promoteurs d’une gestion durable, éthique et responsable des gisements, enfin ils sont des lanceurs d’alerte (cas des Vaches Noires).
Les collectionneurs participent à un patrimoine durable inclusif car ils ne sont pas dépendants de décisions abruptes comme celle de la mise en archives de musées.
Liberté individuelle versus intérêt collectif !? A nos yeux il n’y a pas de conflit entre la liberté individuelle et l’intérêt des collections, l’un participe de l’autre et vice vers.
Paris, le 06 juin 2025
Madame la Ministre, Agnès Pannier-Runachet
Ministre de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche
246, boulevard Saint-Germain
75007 Paris
Géopolis, la confédération française des acteurs des sciences de la terre, a pour vocation de rassembler toutes les associations, structures et personnes liées au Géosciences afin d'en assurer la promotion. Tous les membres reconnaissent vouloir participer à travers leurs actions au développement scientifique et culturel des Géosciences. Elle regroupe plus de 30 associations et 1700 adhérents.
Les sciences de la terre sont de moins en moins connues, notamment chez les plus jeunes. L'esprit naturaliste n'est plus aussi développé qu'il l'a été.
Mais, à ce jour, nous sommes inquiets de la situation actuelle des sciences de la terre en France.
Les programmes scolaires du collège jusqu’au secondaire n’enseignent plus cette matière. Le sous-sol n’est vu que comme une nouvelle zone naturelle à interdire. On veut dénigrer le monde amateur des sciences de la terre en le privant du ramassage des objets géologiques détachés, menacés par l’érosion et l’extraction industrielle des matières premières. Dans ces conditions comment pouvons-nous susciter des vocations en géologie chez les jeunes.
Géopolis souhaite redynamiser la communauté des acteurs des Géosciences, et créer puis développer de multiples actions afin de diffuser la passion de disciplines tel que la géologie, la minéralogie et la micro-minéralogie, la paléontologie, la prospection alluvionnaire, la volcanologie, la gemmologie, la géophysique, l'archéologie minière, etc.
Les associations géologiques et les amateurs de fossiles et minéraux que Géopolis représente, organisent toute l’année des conférences, des expositions, des échanges, collaborent avec les scientifiques et les élus locaux, les musées etc.
Que seraient la vulgarisation et la promotion des sciences de la terre en France sans ce travail bénévole qui ne coûte rien aux collectivités ?
Nous vulgarisons les sciences de la terre pour générer le développement d’une connaissance universelle. Nous en avons une vision, optimiste et ouverte. Géopolis est pour le partage du savoir, l’échange, une science participative. Une science est vivante si elle s’ouvre, se transmet et se partage avec chacun.
Géopolis n’a pas cette vision négative d’une science élitiste qui ne souhaite pas partager. Ce n’est pas en interdisant, sous le prétexte de protéger, que nous pourrons développer, avec les amateurs en géologie, les sciences de la terre. La fin programmée des sciences de la terre en France ne pourra jamais laisser les progrès et les découvertes se poursuivre, d’autres s’en chargeront.
Nous avons des propositions à faire : code du Dorset en Angleterre, loi danecrea au Danemark, code écossais, inscription de la collecte des cristaux dans la liste des traditions vivantes dans le canton du Valais.
Dans ces exemples, il y a une confiance, une collaboration et un respect entre tous les acteurs (institutions, professionnels, amateurs…).
Les amateurs respectant une charte de déontologie telle que celle qui est déjà appliquée par Géopolis sont dans leur rôle de lanceurs d’alerte aidant bénévolement les autorités à préserver leur patrimoine géologique.
Les comportements abusifs sont déjà punis par la loi.
Il ne s’agit pas de faire un copier-coller de ces législations appliqués par nos amis Européens, mais de trouver un compromis pragmatique entre une liberté sans cadre et une position inflexible basée sur des interdictions stricte. Nous serions ravis de partager nos expériences et discuter de cela avec vous.
Veuillez agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre profond respect.
Le président de Géopolis
Jérôme Gélis
& le Conseil d’Administration de l’association
Claude Bornert (Vice-président, Saint Géry sur Vers, Lot), André Fermis (Trésorier, Clermont Ferrand, Puy-de-Dôme), Bernard Dupuy (Trésorier adjoint, Chenôve, Côtes d’Or), Richard Tremblier (Secrétaire, Plailly, Oise), Jean-Claude Boulliard (Administrateur, Paris), Hervé Franville (Administrateur, Le Bugues), Yves Pulcet (Administrateur, Clermont Ferrand, Puy-de-Dôme), Jacques Rossi (Administrateur, Dijon, Côtes d’Or), Sébastien Garnaud (secrétariat administratif de Géopolis)
Le président de Géopolis, Jérôme Gélis et son secrétaire, Richard Tremblier seront présents le 24 mars 2025 pour participer à l'Assemblée Nationale à la journée : Le patrimoine des sciences naturelles : contours, protection, conservation et valorisation
Télécharger le document "Le programme de la journée" au format pdf
Télécharger le document "Le texte de présentation" au format pdf
Organisée par la section Sciences, Histoire et Patrimoine des Sciences et des Techniques et Archéologie industrielle
du Comité des Travaux historiques et scientifiques (CTHS)
à l’invitation de M. le Député Christophe Marion
Le lundi 24 mars de 8h30 à 18h Assemblée nationale – Salle Lamartine 101, rue de l’Université – 75007, Paris
Cette journée a pour objectif de mettre en évidence la diversité du patrimoine des sciences naturelles, les limites des réglementations mises en œuvre pour assurer sa protection et sa conservation et de réfléchir aux pistes de progression envisageables. En effet, constitué de collections muséales et universitaires et également de collections hors contexte muséal et de sites référencés (géosites et parcs naturels), ce patrimoine montre une extrême hétérogénéité, tant dans la nature des objets (forme, support, domaine de rattachement) que dans les besoins de conservation et les pratiques qu’il suscite. Un certain nombre de questions relatives à la régulation de son accessibilité, de sa gestion, de sa valorisation, de son enrichissement voire de sa restitution seront abordées, en s’appuyant sur l’exemple des sites et objets archéologiques.
Dans la continuité des travaux du 145e congrès annuel du Comité des travaux historiques et scientifiques (CTHS) qui s’est tenu à Nantes en 2021 (Collecter, collectionner, conserver), on s’intéressera notamment à ce qui concerne les contours de collections à valeur patrimoniale dont la constitution relève de l’intime, du collectif, du passé, du présent, du tangible ou du symbolique. On discutera également des liens entre les institutions garantes du patrimoine des sciences naturelles et les amateurs, dont certains sont susceptibles d’avoir constitué des collections d’une grande valeur patrimoniale mais dont le mode de collecte ou la transmission hors cadre réglementaire pose problème. On traitera, enfin, de la protection de sites d’intérêt archéologique, géologique ou biologique et des discussions autour de leur fréquentation libre ou régulée.
Cette journée d’étude se déroulera en deux temps. Quelques exemples emblématiques de valorisation des collections précéderont une présentation historique des problèmes de réglementation et de législation concernant le patrimoine des sciences naturelles. Ces présentations serviront d’introduction aux quatre tables rondes qui suivront portant sur les cadres plus spécifiques (1) des réserves naturelles, (2) des collectes et mises en collections, (3) des interactions entre amateurs et institutions et (4) des collections universitaires.
À l'issue de cette journée, les échanges seront retranscrits dans un document de synthèse qui sera mis à la disposition de tous les acteurs du domaine et du législateur qui pourra s’en emparer pour réfléchir à faire évoluer la législation dans le but de mieux épouser les contours du patrimoine des sciences naturelles dans toute sa diversité.
VÉRONIQUE TOURNIS (1958-2025)
Ce 25 janvier Véronique Tournis est décédée dans sa 66ème année. Une grande dame de la géologie appliquée et du monde associatif des sciences de la terre nous a quittés.
Sa vie a été exemplaire. Sa jeunesse a été grandement marquée par la passion de son père, André, pour la navigation à voile. C’est durant ces jeunes années, marquées par de rudes régates, qu’elle a forgé ses qualités d’endurance et de détermination.
Après son baccalauréat, elle a abordé les études universitaires avec une certaine nonchalance : à la géologie elle a adjoint pendant une courte période, l’anthropologie. En 1985, elle reçoit un appel téléphonique du maître de conférence, François Boyer, qui cherchait un étudiant pour un stage de DEA au sein du laboratoire de Géologie appliquée de l’université Pierre et Marie Curie. Son sujet portait sur les mines d’or de la Montagne Noire.
Elle accepta l’offre et vint à Paris. Le stage s’est bien déroulé. Véronique finit major de sa promotion ! Ce succès a éveillé en elle une passion pour la géologie, les mines et les minerais. Il lui a aussi permis d’obtenir une bourse de thèse.
Dirigée par M le Pr Michel Fonteilles elle portait sur : Les indices du Beaujolais méridional et les altérations qui y sont associées et la comparaison avec le secteur de la Brevenne.
Cette thèse était financée par un grand opérateur minier et l’une des tâches assignées à Véronique était de diriger une équipe de foreurs irlandais. Ce qui n’était pas simple : il était difficile pour une femme de s’imposer dans ce milieu masculin constitué de gaillards turbulents et brutaux qu’elle devait récupérer parfois à l’hôpital, parfois au commissariat de police. À ces difficultés s’ajoutait le fait qu’il fallait comprendre leur accent et leur argot.
La finalisation de la thèse a pris un certain temps, car Véronique s’impliquait dans d’autres chantiers. Le premier portait sur une série de forages pour évaluer les réserves de la mine de barytine de Chaillac dans l’Indre. Il n’y avait là qu’un seul foreur bulgare, peu turbulent et encore moins brutal… mais alcoolique. Lorsque Véronique s’aperçut qu’il était complètement ivre tous les jours vers 13h, elle décida que les forages commenceraient à 5 heures du matin ! Le second chantier était celui du forage profond de Balazuc.
Finalement la thèse a été soutenue en 1990.
Malgré un impact certain auprès de géologues miniers concurrents, le mérite scientifique de cette thèse n’a été reconnu qu’en 2018, près de trente ans après, lorsque Véronique détailla à nouveau ses résultats au Pr Fonteilles qui reconnut son erreur de ne pas y avoir attaché assez d’importance. Après quelques travaux supplémentaires, il y a eu la parution d’un article majeur sur une nouvelle substitution chimique dans un mica et ses conséquences pour la compréhension des altérations géochimiques dans le Beaujolais.
Sa thèse en poche, Véronique était embauchée au Comptoir des Minéraux et Matières premières (CMMP) dirigé par Françoise Briot. Commence alors une période de plusieurs années où Véronique part visiter des mines et usines de traitements en Afrique du Sud, au Zimbabwe, au Mozambique, au Maroc, en Inde, en Allemagne et en Espagne. Elle se montre entreprenante et audacieuse, n’hésitant pas à visiter les mines les plus dangereuses et à prodiguer des conseils sur leur exploitation. Une anecdote, qu’elle aimait à rappeler, illustre son audace : lors d’un séjour en Inde, elle s’aperçut à l’aéroport de Madras que l’on avait oublié de sortir de l’avion son marteau de géologue. Furieuse elle courut sur le tarmac, poursuivie par les agents de sécurité, stoppa l’avion qui manoeuvrait, et récupéra son marteau !
L’aventure au CMMP s’arrêta en 1996 peu après un changement de direction. C’est alors qu’elle décida d’avoir des enfants. Guillaume naquit le 4 juillet 1997 et Arthur le 13 décembre 1999.
En ce début du XXIème siècle Véronique reprit peu à peu une activité de consultant en minéraux industriels. Tout d’abord avec la société Sibelco, anciennement Micronor, qui se fournissait en oxyde de fer micacé au Maroc. Elle a alors visité des mines dangereuses au point que leurs propriétaires n’avaient jamais osé y rentrer. Elle fit en sorte que les conditions de vie des mineurs soient nettement améliorées. Mineurs qui manifestaient leur respect envers elle en l’appelant, « Monsieur » Tournis.
Elle travailla ensuite, jusqu’en 2018, pour la société chinoise SANC, Société d’Asie de Négoce et de Commerce. Ce qui lui valut plusieurs séjours en Chine. Dans le cadre de cette société, Véronique s’était beaucoup investie dans le projet d’exploiter les sables lourds d’une plage située au sud du Maroc afin d’en retirer le zircon, ce minéral utilisé dans l’industrie des céramiques.
L’activité de consultant de Véronique était reconnue et, jusqu’à ces derniers mois, elle était régulièrement sollicitée par de nombreuses sociétés ou organismes.
En parallèle à ses travaux, Véronique s’est beaucoup investie dans le monde associatif. Tout d’abord dans l’association Geopolis, la confédération française des acteurs des sciences de la terre. Fondée en l’an 2000, cette association était en crise en 2012 et l’on craignait qu’elle disparaisse. Véronique se porta alors volontaire pour en prendre la présidence, poste qu’elle a conservé jusqu’à son décès. Elle a apporté de profonds changements dans son fonctionnement qui ont permis à cette association de croître et d’atteindre le rôle de leader en France.
Elle a aussi créé et dirigé l’Association des Amis du Patrimoine Géologique de l’UPMC (APGU) qui a travaillé sur la conservation des collections de roches et de minerais et alerté l’université sur leur risque de déshérence.
Elle a aussi été jusqu’à la fin, dans le comité de rédaction de Géologues, la revue officielle de la Société Géologique de France.
Avec Jean-Claude Boulliard, elle a coécrit L’or en France et Les sept systèmes cristallins comment les reconnaître, traduit et adapter l’ouvrage de Judith Crowe BIJOUX et pierres précieuses, et participer à la réalisation de 101 minéraux et pierres précieuses qu’il faut avoir vu dans sa vie. Elle a imaginé divers jeux de cartes « géologiques » et affiches pour Géopolis
Ces trois dernière années, Véronique était de plus en plus affectée par la longue maladie qui a indirectement conduit à son décès.
S’il fallait qualifier brièvement sa vie professionnelle et associative, les mots de passion, de détermination et de courage doivent être mis en avant. Passion pour la géologie appliquée, les mines et leur exploitation. Détermination pour que tous ses projets aboutissent coûte que coûte. Courage d’avoir su s’imposer dans un milieu où les femmes étaient souvent invisibles.
Jean-Claude Boulliard